Mais où va ce pêcheur aux cheveux parsemés,
Usés, délavés, emmêlés par le sel
Tels les bouts frappés et frappés de la caravelle.
Mais où va ce pêcheur aux vieilles mains ridées
Que l'océan a rongé et les filets ont lacéré
Creusant sur ses paumes des sillons éternels.
Tient-il un filet ou une canne ?
On ne le saurait dire tant la mer l'éloigne
Des pinèdes, des bastides et des falaises rocheuses,
On dirait un point, un rien, une illusion rêveuse.
Un mirage tanguant, dépourvu d'élégance
Une forme bleutée, nous charriant dans sa transe,
Telle la vie sur la mer béante
Nous attirant toujours de son irrégularité constante.
Plus loin encore dans l'infime
On distingue enfin l'homme, presque infirme
Tressaillant mais toujours droit
Pour remonter la ligne, à la force des ses bras.
Plus seul que jamais bien qu'il le soit toujours
Plus faible encore qu'il ne l'était l'autre jour,
Il continue de pêcher, sans ne jamais s'arrêter
Pour dix petites dorades, sorties à l'arrachée.
C'est qu'il était né pour ça le pêcheur,
Pour venir à l'aurore, chaque matin,
Troubler pendant de lentes heures
De quelque tourbillons très fins,
La perfection immortelle
Del'immense miroir du ciel.
Car ici seulement il se sent vivre,
C'est là que, comme chacun, il écrit son propre livre
Et il était né pour ça, car sur sa préface
Etait narrée précisément
Toute la genèse de l'océan.
Alors à l'aube il sort de ses rêves profonds
Pour se traîner jusqu'à l'embarcation
Et partir se regarder dans l'ondulante glace
Où il trouve son visage entre poissons et soleil,
Rondeur ridée et imparfaite côtoyant ces merveilles.
Peut-être aussi se sent-il moins seul
Lorsque son regard peut pénétrer la mer,
Et son âme alors se console
En apercevant, luisants et frétillants, ses uniques frères.
Car il sait ce pêcheur, que son existence est ici
Et qu'elle n'aura jamais été sur terre,
De toute sa pénible vie
Il n'aura jamais eu de père, jamais eu de mère.
Son esprit, lui, a bien conscience
Que bientôt il faudra ramer dans l'autre sens,
Après avoir pendu à contre-coeur
Quelques têtes familières au bout des leurres.
Et tout son être souffre au possible
Lorsqu'il voit follement se dessiner
Dans l'eau claire et lucide
Le va-et-vient infernal de sa destinée.
Alors il se demande de quel côté il mourra,
Priant Dieu pour tomber dans le bleu,
Mais il sait au fond qu'il s'éteindra près du feu
Sur la terre froide et inévitable où personne ne le pleurera.
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