Le froid engourdissait nos vergues et nos mâts
Quand nous, équipage perdu et solitaire
Nous avons navigué près des glaciers fats
Et dans la brume grise, et épaisse, et austère.
Errant sur l’océan depuis bien trop longtemps
Nous avons oublié le vacarme des villes
Oubliés des nôtres, oubliés par le temps,
Dans le clapotement des vagues indociles.
Les jours chargés d’ennuis assouvissaient la mer
De notre bile noire atroce et immortelle,
Les ténébreuses nuits au silence d’enfer
Envoyaient dans nos cœurs une douleur mortelle.
Et notre grand navire autrefois si brillant
N’était plus qu’un pauvre bateau plein d’agonie
Morne et sale suivant le beau soleil couchant
Qui va disparaissant dans la mer infinie.
Or nous voguons toujours dans les vagues, les eaux
Sans espoir de retour, l’once d’espoir de terre
Et nous continuons à rouler sur les flots
Comme un bateau de morts-vivants au grand mystère.
Navire sillonnant sous le ciel bleu couvert
D’étoiles et d’astres éblouissants le monde
Nous avons vu un bref instant un rayon vert
Illuminer la nue et mourir comme une onde.
Nous avons tournoyé aux claquements des ailes
Des oiseaux, compagnons des flots bleus, voyageant
Au-dessus du navire et de nos têtes frêles
Les contemplant d’un air bénin et voltigeant.
Nous avons vu le ziz planer sur les nuages,
Nous avons survécu à l’assaut du Kraken,
Nous avons cru percer un jour de beaux rivages,
Nous avons quelquefois cru voguer vers L’éden.
Nous avons entendu le chant vil des sirènes
Quand sous notre ample coque un gros léviathan
Nageait ; et l’eau claquait ainsi que des persiennes
Et Zéphyr nous ailait d’un indicible vent.
Nous qui tanguons plus que des navires pompettes
Nos corps blêmes pleins de remords et de sanglots
Qui ont dû affronter les trombes et tempêtes
Le grand bleu n’est pour nous qu’un gigantesque enclos.
Mais nous serons bientôt contraints à l’échouage
Notre odyssée remplit d’imprévus furibonds,
De houle abominable a fait un tel carnage,
Qu’encor dans la torpeur, nous flottons vagabonds.
Et dans la brume grise, et épaisse, et austère,
Quand nous, équipage perdu et solitaire,
Le froid engourdissait nos vergues et nos mâts.
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