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Catégorie : Poèmes (non classé)
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Tribut à Khépri

Ou l’Être en devenir

Par Salomon Séguin

Table des temps

I. Mûrir sous les soleils muets

II. L’inter-subjectif ou l’esprit

III. Intime-essence

Mûrir sous les soleils muets

L’homme libre est sa propre fin.

-Aristote

Regard sur ma chambre

(Beethoven. Op. 27. Sonate à la lune, quasi una fantasia)


Le temps de faire le ménage m’appelle.

Je regarde cette chambre

sans ordre

où j’ai étalé ma confusion

et l’urgence est évidente;

ma chambre n’est rien,

c’est ma vie que j’ai laissée à la dérive.


Je me souviens des jours passés

où je me battais,

où le vent était un défi.


Je me souviens de ce jadis

où la glace me renvoyait

l’image d’un lion,

de ce temps où,

lorsque je courais

les veines prêtes à exploser,

un sourire se posait sur mon visage.

J’étais heureux!


Et si je devais mourir là,

juste là!

ça m’était égal


la vie m’appelait

Et je la vivais quitte à en mourir.


J’avais cette rage qui comble le cœur

de l’homme assoiffé de soleil.


Et je serais mort mille fois

pour connaître la douceur

de ton souffle

mon amour

moi qui étais loin

de ta source

seul et à sec.


Alors, je t’ai cherché

je suis allé aux confins de l’inconnu

Mais la nuit s’est ri de moi.

J’ai couru après le jour,

je t’ai cherché dans la lumière;

mais là aussi on s’est moqué de moi.


Ô hier, mon amour, hier,

j’ai fait cela, car je croyais en toi.


Aujourd’hui je suis las, et je me perds.

Je suis fatigué de n’avoir pas su aimer,

et je me questionne


combien de fois devrais-je escalader le mont sagesse

et puis me vautré à la vallée sombre

pour que ta main me rassure?

Ta main pleine de tendresse.


Ô mon amour, je ne sais plus aimer.

Je doute, et le doute tue l’amour.


Les jours passent, j’avance,

et l’insipide routine me guette.


Je me lève et vais tiède vers mon déjeuner.

Je cours, mais toujours sans me fatiguer;

je me contente de l’ombre de moi-même,

car j’ai peur.


Certes je vais vers les gens,

je crois même les aimer

mais je ne sais plus aimer,

moi qui me tiens à distance,

loin de ces liens qui obligent.

Qu’adviendrait-il, s’il fallait que je m’attache ?!

Aurais-je le droit de me détruire?

Car je l’avoue, je me détruis.

Je tue.


Je tue mon amour à coup de doute


Chaque jour, je regarde l’horizon

et je pose mon regard un peu moins loin;

j’ai peur.

Puis, je me tourne vers la vérité

et je la supplie de s’éloigner;

je me veux menteur.


Ô mon amour...

si seulement je croyais à nouveau en toi!

Si j’osai t’accorder ma confiance...

qui sait!

Qui sait, jusqu’où mes ailes me porteraient.

Mais voilà!

C’est dit,

et le désordre tout autour

est là,

il est là toujours.

Je vais donc laisser la plume futile,

et puis, l’œil en souvenir,

je vais passer aux choses utiles,

aux choses qui me ramèneront à toi,

mon amour.

Dans l’œil de l’inconnu

À la vision de l’Afrique ancestrale

J’ai vu le soleil de sang

Osciller rouge et fébrile,

Et les chants enroués de la souffrance

Mariaient l’eau salée de mon coeur

Aux plaintes amères;

J’ai vu le sol sous les pieds

En transe, se faire frapper,

À la cadence d’une prière sauvage.

Et pris de sueur et de parfum,

J’ai aimé la femme noire

Au regard noyé de mystères.

Alors ma raison râleuse est partie,

Et fière j’ai dansé la danse,

L’âme fusionnée aux tamtams.

Un jour de printemps

Parce que je me suis joint à l’incohérence

pour danser la danse folle,

aujourd’hui j’en paye le prix

et quelques remords marchent à mes côtés.

Mais je serai futé,

je prendrai la somme de mes sottises

pour en faire un sage compost.

Aujourd’hui le soleil brille,

l’éternité s’y trouve,

et je sais que cette arythmie

qui secoue ma poitrine

n’est pas un signe de maladie;

c’est mon cœur qui crie:

« hé!...Hé, toi, lève toi!

cours hors de l’hiver.

Le vent de la mer t’invite

aux richesses de la terre,

et l’amour est là,

sous ta poitrine

-allez, aime!...

N’entends-tu pas ce cri?

C’est la vie qui brûle en toi!

Regarde la glace qui fond

et les femmes tout autour,

n’as-tu pas soif d’amour?

Va! abreuve-toi

–la source est là!

Et puis sors au matin

pour y cueillir le calme.

Que la paix soit ton amante

et n’ignore plus la sagesse,

elle t’a pardonné. »


C’est vrai, je suis blessé

et ma jeunesse me manque.

Pourtant j’ai moi-même choisi de l’oublier.

J’ai mis les routes nocturnes aux oubliettes,

et ce souvenir du sud…

du sud et de la mer.

De cette mer que j’ai goûtée

et dont la saveur me revient quelquefois;

c’était comme une promesse paisible,

elle disait « le monde m’appartient,

mais je te le prête, tu n’as qu’à plonger ».


C’est peut-être pour cela aussi que je ne la vois plus qu’en rêve et qu’elle me fait peur.


Elle me fait si peur

cette mer qui m’invite à la vie.

Je sens la vague,

elle m’emporte loin de moi,

loin de ce que je connais

-vers le large et les chants de la tempête.

Autour de moi l’inconnu

et sous mes pieds le vide;

partout les menaces et l’agitation.

Alors je m’effraie,

je me retire sur mon île;

bien à l’abri du nouveau

et de l’eau vive.

Mais mon âme la désire,

pour un jour connaître le pouls du monde

et partir dans une bonne dérive.

S’il faut que je me brise,

je le ferai.

Parce que je refuse la douillette certitude.


Il est si facile de s’accrocher à sa branche

comme un Paresseux.

Pauvre Paresseux…

ce qu’il ignore c’est que les branches cassent

un jour il faut revenir sur terre;

un jour le cycle exige son dû.

Il faut payer!

Et quoiqu’on n’emporte rien au sous-sol,

on laisse une onde en héritage.


Et la mienne qu’aura-elle été

après mon tribut

si je préfère demeurer immobile?

D’ailleurs, quel sombre spectacle

que celui de la léthargie,

lorsqu’on sait qu’au fond d’un corps

un cœur demande à battre;

pour jouer la ronde comique,

festoyer et perdre des larmes.


C’est pourquoi,

de par delà le doute,

j’irai vers les feux de joie

et les gitanes sauvages.

C'est pourquoi,

je m’éveillerai au songe musical

et ferai rugir le lion en moi.

Amanda

Quelques brins d’amour

Déposés sans hâte

Sur la peau d’Amanda

Sont des lilas

Sans lourdeur


Athos


Fut-il un temps de paix pour moi, je l’ignore

Tout jeune garçon, ma jeunesse voulait mourir

Puis j’ai bu l’illusion pour ne pas souffrir

Et aujourd’hui, j’ai peur du présent encore.


Je me souviens de la nuit de mes six ans.

De tout mon cœur je désirais être un grand,

Pour, comme eux, avoir de ces mots plein de poids

Pour, à mon tour, pouvoir fêter tel un roi.


Je croyais qu’à leur hauteur mourait le malheur

Qu’à ce point de la vie naissait la liberté

Mais du haut de mes six ans, je me suis trompé :

C’est en soi, non au loin, qu’on trouve le bonheur.


Maudit printemps!


Les dons de dieu

Sont des alcools


J’appelle les drogues

J’appelle la fuite

L’à côté


Pas d’questions pas d’émotions

Qu’une pause méritée

Être ailleurs

Un instant


Ne plus avoir

Que le vent

Les oiseaux

Le souvenir

Les soupirs

Des amours passés


Maudit printemps

La neige douce

Cristal de mes secousses

Coule sur la rue


Me voilà nu

Avec un caillou

Collé s’u l’cœur


Je me sens bien

Mal en dedans


Si joyeux


J’ai le regard pétillant

Et je promets

Aux étrangers qui passent


Hypocrite et fière

Je souris à la vie

Quant à Dieu

Plein de colère

Je lève mon poing

Tire mon joint

Et prends l’eau pareil


Bonjour Madame

J’ai des fleurs

Des airs de fêtes

Et des croûtes

Dans la tête

Bonjour mon ami

Après tout

Tout s’arrange


L’érosion du cœur

La pensée fatale

Le règne de l’absurde


J’ai plein de rêves

Dans mon jardin

Et je vous montre

Le meilleur de moi-même


Bonjour Madame

Bonjour mon ami

Voici des fleurs et des fruits

C’est une offrande

Un don de dieu

Plein de faux et de fard


Maudit printemps!


Brise d’illusion

Désir d’enfant cher

Je voudrais tant

Te jouer les vieux rires

Mes espoirs

Ma vie et mes soirs


Mais maudit printemps

Tu m’gruge par en d’ans.

L’hiver à côté de moi


Quarante-trois mots à la minute, c’est mon chiffre. Je crois que je passe le test. Encore faut-il couper dans les fautes, le temps passé à se corriger c’est du temps perdu. On sait tous que tout doit être réglé au quart de tour; une seconde de plus et hop! c’est la catastrophe; les actionnaires n’ont pas un sou à perdre. Voilà que je cours et cours pour garnir leur portefeuille sans fond.

Que je n’ai rien à dire compte peu. Les chiffres ont pris toute la place. Le nombre est devenu le sens même. Je n’en perds pas la boule pour autant : chaque matin, café, claque à l’ego, et hop! dans ce trafic sans fin édulcorant mes rêves. Bien que ma vie soit honteuse, je le prends bien. J’accepte sans grincer des dents l’air que je ne respire pas, l’orgasme partiel et le non essentiel.

Je passe la sortie, j’ai un film à voir ce soir. Deux heures plus tard, c’est un café plus noir qui me retient. Je suis habitué. C’est ma vie, c’est mon rythme. Carl, heureux de son complet cravate, me dicte l’ordre du jour : on s’acclimate à la solitude. Moi, je ne m'y ferai jamais à ce climat; gris et d’ennui. D’hypocrisie j’impose un bonheur à ce visage –l’hospice, elle, me rendra mes vérités; quand j’aurai la vessie paresseuse et la face toute flasque, le terne de mes yeux pleura à qui voudra l’entendre : j’étais un homme de mon temps. Chaque matin mes quarante-trois mots à la minute. Mon imagination se meurt dans la préoccupation qui plombe. Carl revient, toujours plus gai. Sa foutaise sans pareille, je l’admire si je peux de ce fard aussi me parer; l’évolution sera mienne.

Ce film, c’est au popcorn qu’il sera. Et puis tien! Ce soir, je mets le film dans le four micro-ondes et le popcorn dans la vidéo; juste pour faire changement. J’irai peut-être même voir les étoiles si elles passent dans le coin. Mais le plus probable c’est que je serai ici, à ce bureau plein de faux et de fard; mon habitude me collera au divan et j’écouterai ce maudit film en tapant quarante-trois mots à la minute.

J’accepte ça. C’est l’hiver.


Presqu'histoire


Dans les rizières, la chaleur colle à la peau.

Si on travaille avec un grand chapeau, on est chanceux.

On peut y tresser le nom de son aimé et se protéger.


J’ai le front nu comme mon cœur sous la honte.

Courbé tout le jour, je casse mon dos pour mes dents.


Quelques fois, je me redresse.

Je caresse la colline et son vent frais.


Je vois au-delà de ma tâche un temps de relâche.

Un temps plein de ta peau.


Les flancs de la montagne s’emplissent

de chants et de châteaux.


Le soleil s’élève,

j’ai chaud.


Un réflexe, vieux comme le monde,

me ramène à la marche des jours.


J’entends en écho, en sourdine,

une brise s’essouffler.


Je regarde la colline et n’entends plus

que les corbeaux.


Ma foi, ai-je rêvé?!

Le chant


Merci à la vie pour toute cette pluie

Elle fait de l’argile que je suis

Une statue qui prend vie


Merci au soleil qui se cache

C’est pour lui que je marche

Et change ma démarche


Merci à l’univers

De me donner ces vers

Pour vaincre la misère


Je me sens grandi

Simplement d’avoir dit oui

À cet homme que je suis


L’Affranchi


Les moutons s’apaisent au crépuscule

Devant les monts chargés de fleurs

L’homme d’un souffle vainqueur

Donne à l’histoire son opuscule


La mort l’épousera bientôt

Et ses humbles souffrances

S’envoleront comme l’oiseau

Qui, du soleil, prend l’espérance


Souvenez-vous, esclave du destin,

De celui qui s’est affranchi

Des vicieux cercles de la vie

Et du mal des dieux malsains


Quand l’étau de l’habitude

Aura mordu votre amour

Des soleils sans inquiétude

Qu’Ulysse soit de retour


Lui qui à fait de son cœur un phare.


Perception d’une classe en attente


Des gloussements

Comme de curieuses vagues

D’incompréhensions réciproques

S’évaporent

De bouches chaudes et inconnues


Les sons

Après une course fragile dans les airs

S’excusent de leur prétention

Et retombent

Telle l’agonie d’un amant japonais.


Mémoire de sel


Moi, l’autre, la rencontre d’un bleu matin

Avant la ferveur du rouge


Comme un oiseau, je frissonne

Devant l’exigence du jour


Je sais que si le vent m’isole

Je périrai

Je sais, mais j’espère


J’espère puisque je me rappelle

De blés mouvant comme la mer

Puisque j’ai en mémoire

La chaleur de ton corps


Et ce retard, de toi, qui m’assurait

Qu’au fond de mon être

Un devenir fleurissait.

L’étoile du matin


La rosée désarticulée s’illumine de tes rayons

Tu folâtres telle une abeille

Tu cajoles du bout des doigts l’éveil de la flore

Ce matin, comme tous les autres, t’appartient


Seuls les trop sensés ne peuvent te comprendre

Va encore!


Embrasse d’un mouvement lent

la rose et le lilas

Embrasse sans soucis

le pollen fertile

Si demain ou le jour d’après

les hommes mangent le monde


Par toi tout renaîtra.


Ligne médiane


Ma raison n’est qu’un pion

dans les mains d’un sentiment

qui m’échappe

mais auquel je n’échappe pas


Respire…

1,2,3,

temps fort

temps faible


Se conscientiser

telle une rivière aux méandres

Libre d’être malgré les obstacles


Viens, papillote,

goutte de pluie

Sur ton iris personnel.


Je me veux de ton monde

pour ne plus parler

mais danser avec toi


a-7


Aller vers un but

autre que le but

redécouvrir ainsi

sa véritable capacité

à la découverte


S’ouvrir sur le vide

pour générer le mouvement…


Parfois la démarche entreprise pour régler un problème est partie

voir cause et racine de ce problème.


Je pense,

mais toujours un ressenti

une rencontre

un inconnu que j’ignore vivre


Je pense

comme un exosquelette

dépassé par le serpent qui s’enfuit


Quand je saisi

ce que je crois avoir pensé

je pense à nouveau

en même temps que je cristallise

ma pensée passée


Mais à chaque fois

l’intention de mes pensées

me reste voilée.


Je ne peux pas me connaître en me pensant

ni comprendre mon mouvement par ses traces


Je ne peux que me vivre

comme je vis le monde.

a-9


L’intime voyage

au sein

des méandres

d’un univers

que l’on voudrait soi

s’achève parfois

dans un

commencement

infini.

En vrac


1. l’enfant est une forêt qui lutte sa vie durant contre le désert de l’homme.

2. Parfois la seule chose qui nous manque c’est la conscience de ce que l’on a.

3. Il faut manger le sommet par la racine.

4. Lorsque la pluie est partie, elle peut encore tomber dans la tête.

5. Ce que j’ai vécu est comment je vois ce que j’ai vécu.

6. La reine est un pion patient.

7. L’eau doit surmonter bien des obstacles avant d’être pure.

8. De toutes les présences, l’absence est la plus cruelle.

L’homnivers des pensées éparpillées


Je suis fasciné par l’apparente

facilité des choses.

Ces objets,

communs et connus de tous,

semblent évidents et manipulables

pour qui veut.

Ce sont pourtant des bulles de savon

fragiles

qui fuient et éclatent

sous les insistances de la raison.

Je me constate désirant de l’Être

sous toutes ses formes,

espérant pouvoir toucher

le tangible de la vie

pour m’y glisser et vivre

hors des méandres de la mort.

J’ai envie, mon âme entière,

d’un havre délimité

enveloppant

où les ombres du doute ne peuvent m’atteindre.

Je formule

des structures

sonores

dans mon encéphale

compliqué

Je vais de projets en espérances

en croyant que demain, peut-être,

j’aurai pondu cet œuf béni

qui me protègera

du sens de la vie.

Car cette vie, qu’est-elle?!

Qu’est-ce sinon qu’une marche

forcée vers sa propre fin

qui, à son terme, l’engendre à nouveau;

différente dans ses formes certes,

mais au sens identique.

Elle me fait penser à un serpent

se dévorant lui-même

pour vivre éternellement

indépendamment de tout.

Moi, j’émane

de ce mouvement fou

et ne peux y comprendre

que ma destruction future.

Je souhaite de tout mon cœur

m’extraire à cette spirale

qui menace de m’engloutir

comme tous ceux qui mon précédé

et qui me crient

par la mémoire des hommes

«tu y viens toi aussi».


Je me veux autre.

Passant d’un objet à l’autre,

j’applique mes peurs et mon imaginaire

à la fuite de la vie mortelle,

mais toutes mes constructions

se révèlent fugaces et futiles

en fin de compte

Puisqu’elles ne sont que des satellites

de mon être propre

Processus infime

d’une intelligence infini.

Voyage au cœur de la mémoire

Le plus dur c’est de m’arrêter à un moment.

Où commencer?

Deux cent quatre-vingt mille jours derrière moi,

il suffit que j’y pense pour n’y rien trouver.

Il n’y à rien!

Rien que le vent et des charges entières

de mots lourds ou légers.

qui sont autant de fuites que de sons.

J’imagine pourtant

un visage lumineux

qui respire la bienveillance,

un sourcil chaleureux

qui suggère

la sagacité de mon grand-père

J’imagine une forêt

couverte de feuilles mortes.

J’y marche sans hâte

respire l’hiver qui s’en vient.

J'y vois l’écorce travaillée

des arbres fiers.

Et ce géant qui me parle.

J’ignore bien des sens à ses phrases,

je sais pourtant que j’écoute.

Mélangé au bruissement

de nos pas sur le sol et au chant

de l’air d’été qui nous quitte,

la voix, rocailleuse mais soucieuse de m’atteindre,

de cet homme franc, me parvient.

Il m’indique qu’à l’orée des bois,

une vielle cabane s’achemine vers sa fin,

que sa base, pourrie par la pluie, a tordu la structure

qu’un chaotique ramassis de planches et de clous

menacent l’imprudent qui s’y aventurera.

Je suis des yeux le geste lent de mon grand-père,

porte mon regard où pointe son doigt.

J’ai peur déjà.

Il me semble que de seulement y penser un peu trop

donnera à ce vieil amas de débris

l’idée de me faire mal.

Sous ma poitrine,

mon cœur de sept ans

bat comme ces petits colibris

si beaux mais si étranges

et, tout comme eux,

j’aurai été rapide à partir;

si ce n’eu été de la présence calme

qui vient se poser sur mon dos.

Ma fragilité et mon imaginaire

aux monstres farouches,

se sentie couvert d’un ample

manteau de force et d’amour.

J’entendis «n’ai pas peur Salomon!

Tu es petit et délicat, faible et fragile,

mais ton corps aux inflexibles limites

abrite quelque chose de plus puissant

que toutes les frontières du monde.

Certain nomme ça l’esprit,

d’autres l’intelligence.

Toi, tu lui donneras le nom que tu veux.

Mais n’oublie jamais que ce trésor

est différent de tout ce que tu pourras nommer dans ta vie,

différent de tous ce que tu toucheras ou verra.


De cet autre, mon garçon,

souviens-toi,

lorsque ton cœur s’égarera

dans les méandres tu doutes

Car il est la source de tous les changements.

Souviens-toi que ce rien,

qui en ferait rire beaucoup,

c’est la clé qui permet

de reconfigurer les images du monde.

C’est grâce à elle que les hommes ont façonné le monde.

Alors lorsque tu trembles

devant les dangers du monde,

garde toujours un temps pour le vide,

de ta tête évacue tout, et tu verras».

Ligne de vie


Pour avancer, il faut traverser des murs

Parfois larges et obscurs

Parfois amers et de glace

Il faut briser la certitude

D’une image de soi biaisée

Par l’ego de la peur

Alors d’aventure le cœur s’active

Et fait jaillir le sens

Au sein des ci et là de la vie

Alors la respiration se veut profonde

Malgré les abysses de l’enfance

Et le souvenir d’un espoir…

Étiolé.

L’inter-subjetif

Ou l’esprit


Chaos ou cosmos


Voilà donc une pleine page devant vous. Moi, présentement, je n’y vois rien –pour la bonne raison qu’il n’y à rien. Mais pour vous c’est une suite de mots à l’existence irréfutable qui s’affichent. Ils ont chacun leur sens et ensemble ils conduisent quelque part. Vous vous n’avez qu’à descendre le regard et vous pouvez toucher à la fin et voir déjà ce qui pour moi, maintenant, n’existe pas.

Si j’opte pour une attitude d’esprit scientifique telle que celle requise pour formuler l’hypothèse du big bang. Je dois me résoudre à conclure que la conclusion de cette page est dans ses premières lignes que ce qui s’en vient ne peut pas ne pas être; qu’il n’est pas question d’un texte inventé et reflet d’un libre arbitre propre à l’homme mais du résultat d’une conjoncture qu’il serait théoriquement possible de connaître.

Moi, ou ce que j’appelle moi, n’est, après tout, qu’une valeur d’une variable qu’on peut déterminé si on la situe en son contexte. Le style même n’est qu’un moyen pour parvenir à une fin déjà établi et immuable. Alors, je ne dis rien! Pris dans une telle logique qu’aurais-je à dire? chaque phrase, chaque idée ne ferait que prendre la place qui lui revient de droit dans un casse-tête préétablie. Moi, mes fantaisies et mon souci d’authenticité, se résume en une narcissique expansion d’un ego animal sans subjectivité aucune.


Le sculpteur et la pierre


J’installe une blanche toile sur chevalet de bois et m’assieds à quelques mètres d’elle. Depuis plusieurs semaines, une image se formait dans mon esprit et je me trouvais excité à l’idée de la concrétiser. Cependant, je suis là, devant cette toile nue, et me trouve sans mots; perturbé. Alors que je me concentre pour bien visualiser ma future création. Le tableau que je voyais clairement s’embrouille. Je laisse donc s’évaporer la forme déterminée qui m’habitait et fait place au silence.

Soudain, je ressens un profond désir d’imprimer de larges mouvements en demi-cercle sur la toile. Un pinceau que je n’utilise pas d’habitude sera l’outil idéal. Je prépare ce matériel et applique les premiers gestes. Aussitôt fait, je m’arrête. Je reprends une distance et tente d’oublier ce que j’allais enchaîner. Je regarde les formes qui viennent de naître et j’attends. Je leur donne le temps de pénétrer mon âme pour qu’en son sein elles puissent y rencontrer d’autres formes. Moi, je ne force rien et n’impose rien, je demeure là, patient, comme une mère aimante qui accueillera sont enfant tel qu’il est; tel qu’il choisit de s’inventer.

Je crois que c’est ça le travail créateur; que c’est celui-là que le sculpteur effectue sur la pierre. Le sculpteur est un contemplateur actif. Il s’efface le plus possible pour générer un espace en lui. Il invite la pierre à y pénétrer pour qu’un contact s’établisse. La pierre fréquente alors les éléments de l’univers du sculpteur et doit à son tour s’oublier un peu elle-même pour perdurer au cœur de ce monde. Parce que les deux sacrifient une partie de leur tout, quelque chose de neuf éclôt.

Si le sculpteur n’en était pas un, il ne tolérait pas que la pierre s’immisce dans sa demeure. Il ferait tout pour que la pierre, un corps étranger, soit tenue à distance et contrôlée. De peur d’être modifié lui aussi par cet élément qui se transformerait en lui, il fermerait toutes les portes et toutes les fenêtres. Jour après jour, il passerait à côté de cette chose qui ne serait pour lui qu'une chose parmi les autres. Si la pierre est rocher, il s’en détourne pour continuer son chemin; si elle est cailloux, il s’en sert pour monter les murs de sa maison. Dans un cas comme dans l’autre, il n’y a pas d’échange entre les deux parties; pas de partage. Le seul rapport qui s’établit alors entre lui et l'objet en est un de force.

Un monde sans sculpteur serait un monde froid et sans vie dans lequel nous serions condamnés à marcher sans jamais nous arrêter. À quoi bon perdre son temps devant les marques d’une pierre si celles-ci ne sont ni les stigmates d’une guerre entre géants ni l’écho d’une civilisation perdu; à quoi bon ouvrir la bouche devant des choses sans histoires qui ne résultent que du hasard. Dans un tel endroit, il n’y aurait aucune place pour nous puisque notre pensée serait elle aussi la simple résultante d’un concours de circonstances et non pas l’expression d’une capacité à l’autodétermination et au libre arbitre. Aucune porte ne s’ouvrirait là bas, il n’y aurait que des portes défoncées, des espaces violés et l’absence de l’érotisme. L’absence tout court.


La fin de la faim

Premièrement, il y la faim sans fin celle qu’on valorise et qui fait office de moteur moderne puisque, de nos jours, tout ce qui compte c’est de parvenir à ses fins. Le milliardaire et le scientifique par exemple sont des icônes au sein desquelles les conceptions positivistes et darwinistes s’incarnent à merveille. Ils représentent l’animal fort ayant su se nourrir suffisamment pour dominer ses semblables et perpétuer l’espèce ou encore celui plus fin sachant manipuler et maîtriser la matière. La faim, envisagé, selon une approche universelle, est une fin en soit. Car s’il est vrai qu’elle semble n’être qu’un moyen pour renforcir le corps et l’apprêter à affronter le monde, elle vise également à dévorer ce monde et se l’accaparer pour, tel le big bang, s’ « expandre » au maximum. Elle s’inscrit dans la logique de la loi du plus fort qui s’impose dans ce cas-ci comme le sens profond de toute entreprise animale –donc humaine : manger pour mieux manger, encore et encore.

Comment puis-je voir mon semblable dans une pareille optique?! Évidemment, je dois le voir comme je me vois : une proie ou un prédateur potentiel. Si nous partageons une même table c’est avant tout parce que nos intérêts convergent à ce moment là. Dans le pire des cas, s’il n’y avait plus rien à ce mettre sous la dent, mon convive pourrait certes n’être autre choses qu’une carcasse à croquer. Et si, par chance, nous nous abstenons du cannibalisme véritable; je crains que parfois, sur un plan intellectuel, nous utilisons l’autre comme accompagnement.

Voilà qui me laisse sur ma faim…et je vais vous dire ce que je souhaite. Je souhaite que ceux avec qui j’entre en relation ne me conçoivent non pas comme un accompagnement –à leurs idées, leurs valorisations, leurs intérêts, mais comme un compagnon. Je désir être moi aussi à la hauteur de ce que j’espère des autres. Je crois qu’il est possible de tenir pour acquis que nous sommes, hors de nos théories et convictions, ensemble unis dans un profond désir de se rencontrer et de trouver des ponts, des points de communication qui permettent d’accepter nos différences et d’en dégager une cohérence.

L’histoire du monde, c’est nous. C’est nous qui, malgré les efforts requis, s’engageons dans un dialogue sans cesse renouvelé pour trouver une tierce partie, un terrain d’entente. Ce mouvement qui résulte de nos contradictions –tant avec les autres qu’avec nous-mêmes, c’est le logos, la parole; c’est le résultant d’un face à face ou nous découvrons d’autres traits, des traits qui stimulent notre imagination et nous invitent à inventer. Le monde humain et la faim abordé d’une manière humaniste, c’est un monde ou les manières et les rituels qui se joignent à l’acte de manger sont autant, sinon plus importants que le fait d’absorber de la nourriture. Ces gestes nous indiquent que chacun des partis désir entendre l’autre pour laisser cours aux chocs des idées et à la naissance de quelque chose de neuf. On trinque alors non pas tant à notre santé personnelle mais à celle de l’humanité toute entière qui se renouvelle à travers nous. Nous participons ainsi à la co-création du monde, ensemble et joyeux.


Le destin des mots


Tant que la chose reste sans mot elle est sans voix, dans l'ombre, inconsciente. N'étant pas hors de nous, elle nous possède complètement.

Ce n'est que lorsque le travail de l'esprit construit les définitions que le salvateur concept, surgit des ténèbres et que l'on peut déjouer le vide de l'avenir. Comme le disait le grand philosophe, la sagesse c'est savoir que je ne sais pas. Je crois aussi que c'est en ce sens qu'il estimait la surprise noble et belle. En effet, surpris de me voir ignorant, je me libère de ma lourde plénitude pour ouvrir en moi un espace vide. Sachant que je ne sais pas, c'est un havre invitant que je bâtis. Ensuite, si j'ouvre grand les yeux, l'expérience s'invite en moi comme autant de convives et la sélection naturelle comble la maison de mon âme de ceux qui me conviennent.

Une fois cela fait, et seulement ensuite, mon interlocuteur peut moduler la suite de ses comportements et se re-découvrir. Redéfinissant son être de l'intérieur en laissant le monde y pénétrer c'est l'orientation de son attention qui se modifie, et les choses passées jusqu'alors inaperçues s'affichent à sa conscience. Comme ces constellations qui ne deviennent lion ou grande ourse que lorsque l'image d'elles dorment en nous.

Le terme que j'utilise d'«interlocuteur» peut enfin jouir de sa signification: je parle à quelqu'un. Ce qui veut dire explicitement qu'un «nous» existe par une relation à trois terme: moi, l'autre et l'objet. Dans ce nouvel état de faits le sentiment d'exister s'installe naturellement. J'ai là le droit, et le devoir envers moi-même de dire à l'autre «tu»; et cet autre, étant mon égal dans la différence, a les mêmes obligations envers moi et devoirs envers lui. Les mots que je choisis alors pour exprimer le vécu présent vivent leur destiné: ils sont là non pas pour asservir l'un à l'autre mais comme des phares révélant chacun à sa propre vérité.

L'Un et l'autre

Pour qu’une relation en soit une fructueuse, il faut un engagement de la part de chacun. Chacun s’engage, plus ou moins implicitement à respecter l’autre. Par un échange de regards rassurants ou par un geste signifiant, ils signent un accord, un pacte. Nous établissons d’entré de jeu que nous évoluerons ensemble sur un terrain commun, mais que chacun de nous sommes ontologiquement distinct, qu’il y a des frontières à découvrir, mais à ne pas violer. Entre ce vieillard et moi, d’infranchissables limites se dressent; non pas pour nous isoler, mais au contraire pour que le contraste de nos divergences nous renvoie au centre de notre existence et nous incite à rayonner –puisque ce retour à soi est le fondement d’une sensation de plénitude qui permet justement d’accepter le vide inhérent à l’autre.

Ainsi, je me sens remplie de confiance face cet inconnu. Je ne cherche pas tant à le comprendre qu’à lui permettre d’être. Ses immenses domaines hors de mon bon sens, ne m’effraie plus et je n’ai pas à lui renvoyer un jugement sur ses choix ou sa manière d’être. Je suis seulement là. Dans une attente sans langueur. Prêt à rire, s’il le faut, d’une blague qui m’échappe ou m’émouvoir devant l’expression d’une douleur que je n’ai jamais ressentie.

À la fin du jour, je sais que l’autre me permit d’être moi puisque je dus me dépasser… Et je me dis que si l’effet se produisit d’un côté il n’est pas impossible qu’il eût lieu de l’autre.

Le sacrée

J’ignore si c’est moi, mais il me semble qu’au sein de notre modernité (occidentale) la notion de fête s’est désincarnée de son essence primordiale. J’ai l’impression que dans la plupart des cas les fêtards, qu’importe l’évènement qu’ils célèbrent, cherchent avant toute chose non pas à se relier à une mystique quelconque ou à commémorer la souffrance et le sang des anciens mais davantage à s’exproprier hors d’un quotidien oppressant. Entrer en relation avec la genèse de ce même quotidien pour mieux revenir à soi et se redécouvrir n’est pas exactement l’approche à la mode.

Dans beaucoup de cas, nos fêtes se déroulent comme ce pressé monde du travail que l’on cherche à fuir. Notre premier réflexe –je dis bien réflexe, n’en est-il pas un de consommation. Je ne pense même pas ici à noël ou à ces autres fêtes où l’achat est partie prenante de la tradition mais à l’état d’esprit qu’il nous vient spontanément lorsque l’on décide de décroché, de faire le party; quel qu’en soit le prétexte. Ne nous empressons nous pas de nous engloutir dans ces divertissements qui sont nos divinités présentes. Que ce soit par de l’alcool ou de la drogue, des manèges ou une Mot Banniualité sans amour, bien de ces moments où nous prétendons fêter n’ont rien à voir avec la notion de fête telle que le conçurent et le conçoivent encore bien des cultures : un temps et un espace privilégier où ceux qui d’ordinaire se côtoient peuvent se reconnaître réciproquement pour créer un sens commun à leur destin particulier et ensemble évoluer dans leur différence; unis.

La majorité du temps nous semblons unis mais ne le somme pas. Le fermier inquiet par la grosse Berta qui n’a pas encore vêler; le pdg d’une grande compagnie qui attends gravement le compte-rendu d’un noir semestre ou l’étudiant rêvant son futur sont tous imbriqué dans l’univers de la survie et de l’évolution. Ce monde où l’on s’occupe à savoir comment placer une brique à côté d’une autre est notre réalité à tous.

Un matin ou l’autre pourtant, chacun se positionne devant ce fait de l’essentiel et se questionne sur le pourquoi tout ça. La réponse vient alors naturellement puisqu’ici ou ailleurs, chaque individu à connu les réjouissances de la fête. Chose qui ne se produisit pas nécessairement un jour officiel mais bien d’une manière solennelle. C’est-à-dire qu’il y eu un temps dans la vie de cette personne où sa propre vie tout comme la vie propre aux autres se vit suspendre le temps d’une rencontre. Durant un instant, ce n’est plus un étudiant qui parle à son professeur ou bien un laitier au manœuvre ou à l’avocat; ce sont des hommes vivant diverses occurrences d’une même condition humaine. Au-delà de la multiplicité des formes ils prennent conscience qu’une unité les habite. Ne partagent-ils pas des angoisses et des espoirs semblables? Ne portent-ils pas en leur cœur des amours et des blessures différentes mais aux effets similaires?

Au cours des réel fêtes, si rare soient-elles, l’expérience religieuse bat son plein. Nous nous retrouvons relier par un même sentiment d’appartenance à quelque chose de plus grand que nous. Nous savons alors que nos efforts sur terre ne se limitent pas à une vaine lutte contre la montagne de Sisyphe mais s’inscrivent dans un partage des joies et des misères; un large mouvement des uns vers les autres; une harmonie dans le chaos.

Intime-essence


L'action entreprise pour aller vers le but nous transporte toujours vers deux choses: d'un côté, cet objet désiré vers lequel on s'efforce d'aller; de l'autre une transmutation de soi-même en tant qu'objet voulant. C'est le principe «atmosphérique». En agissant dans un contexte, qui fondamentalement agit en moi lui-aussi, je le modifie. Mais toute modification de l'extérieur trouve aussi son reflet quelque part à l'intérieur.

Je garde en tête l'histoire de la bonne intention se métamorphosant en pur mal: Un jour un jeune homme candide et plein d'espoir se décide à incarner le «bien» qu'il sent en lui. En examinant autour de lui, il cherche ce qui correspond à son âme. Finalement, sa conclusion est de construire une grande maison de bois au bord d'un calme lac. Ainsi, se dit-il, il aura l'élément de base pour séduire une belle jeune femme et l'invité dans le mariage. Ensuite, les enfants viendront et une source de joie jaillira en sa demeure. Le seul problème pour lui maintenant est de trouver le moyen de réaliser son but. Puisqu'il n'est ni charpentier et ni assez riche pour se l'acheter cette maison, il part pour la ville avec l'idée d'y trouver une voie. C'est le choc. Lui, habitué à la gentillesse et la solidarité des gens de son patelin, se retrouve vite perdu. Pourtant ça ne l'empêche pas de se concentrer sur son but. Il est futé et déterminé à sortir de là au plus vite. Alors, il trouve des moyens de se faire de l'argent «rapidement». C'est sûr que les «combines» dans lesquels il s'engage ne sont pas cohérentes du tout avec sa personnalité; mais il se dit que c'est un mal nécessaire. Que la fin justifie les moyens. De fil en aiguille, le temps passe. Un jour, après un enchevêtrement de situations compromettantes, il possède la somme requise pour s'acheter la maison de ses rêves. À ce moment, il réalise que son projet n'a plus de sens puisque cette «image» qu'il avait tant voulu ne lui correspond plus. Le moyen ayant tué la fin.

Ceci dit! ce n'est pas du tout ça que j'ai en tête aujourd'hui. Je me promettais plutôt la structure que voici.

a. Le terrain vague

b. Le cercle et la pendule

c. Le sel et l'eau

d. Le scarabée


a. Le terrain vague: Vingt-deux ans, le Mot Banni haut gradée et l'absolu au quotidien, voilà, le «moi-là» de 2001 que j'étais. C'était aussi l'année de mes premières cuvées philosophico-poétiques. Un genre de jus de neurones qui prenait la forme de quelques écrits désormais perdu. Je me souviens de «Génestique» -où, je disais que d'un outil à l'autre l'homme se forge en «homme»; et de «Petite synthèse de flux cérébral» que j'ai envoyé à mon cousin Félix et où j'ai mis la phrase suivante «Me voici sur le terrain vague de mon enfance».

Dans cette phrase c'est une grande partie de mon énergie personnelle que je décrivais sans le savoir. Pas dans le sens que le «terrain vague» était l'énergie, l'effet; mais dans celui qu'il était la cause. L'élément motivant. Car le ce terrain vague, cette désolation, c'était la constatation de l'après catastrophe -celle de mon adolescence et de mon enfance, sur laquelle j'ouvrai les yeux, ébahit. Je terminais alors la fin du prélude à ma conscience. Celle que j'avais commencé, deux ans plus tôt, en ouvrant la première page d'un livre compliqué. J'ai complètement oublié de quoi parlait le livre mais je me souviens de l'effet terriblement désagréable que j'avais ressenti en m'acharnant à le comprendre. J'avais l'impression d'un brouillard à l'intérieur de ma tête qui tenait les mots de ma lecture loin les uns des autres. C'était comme si j'avais à tisser des fils de plomb avec des baguettes de beurre. J'avais aussi l'étrange conviction que ce n'était pas le livre qui n'était pas à sa place mais moi. Quelque part, je sentais que je pouvais faire mieux. Ensuite...et bien, je me suis inscris à l'école des adultes; j'ai fait des maths et du français, mon secondaire 1 et 2, etc. Après deux ans à dissiper le brouillard, sachant à peu près lire et écrire, je devais ouvrir «Initiation à la philosophie» un livre qui allait me jeter nu sur la scène de l'univers.

Qu'est-ce qu'il y a sur un terrain vague? Sûrement pas rien. Il risque même d'y avoir beaucoup de choses. Mais des choses déchirées, partielles; parties d'un autre monde. C'est un endroit cassé, malmené qui se porte comme deux dissonances sur une portée. Son sens est une tension vive. En même temps se joue la destruction de quelque chose qui nous indique qu'autrefois quelque chose ici était; et la renaissance qui s'installe au fur et à mesure que le passé disparaît. C'est une intersection vivante entre deux mondes; un qui n'existe plus et l'autre qui n'existe pas encore. Moi, j'y voyais à la fois la perte de ce que j'«aurais» dû avoir enfant ou adolescent et la fulgurante possibilité de ma vie d'adulte.

C'est là que j'ai voulu pour la première fois être «qui j'étais». Et si l'«être» ici en question n'était pas défini, j'avais dû moins l'intention qu'il soit grand. J'étais bien résolu à prendre ma revanche et à montrer à la face du monde, le Hero en moi. J'allais devenir un «self made man», un autodidacte, et produire de moi par moi-même, le Salomon fière, cultivé, confiant et respecté que j'aurai normalement déjà été à ce moment là; ne fut-ce d'un milieu extrêmement rachitique pour le développement de mon «moi-enfant» ce qui me conduisit à une adolescence droguée, etc.

L'objectif versus le subjectif. La réalité ou l'impression. Des fois, après m'être entraîné dur, je marche plein de confiance sur le trottoir et me sens si puissant qu'il me semble possible de soulever sans peine les voitures que je croise. Je me fais alors penser à une fourmis culturiste, imposante et mais si petite.

Qu'est-ce qui compte le plus?! Se sentir invincible ou l'être, se sentir intelligent ou l'être, se sentir beau ou l'être, se sentir aimer ou l'être...Ça mérite un profond questionnement tout ça! Je ne m'en sens pas la force pour l'instant.

À Lapocatière, au bord du fleuve St-Laurent -où il se veut large, il y a le Cégep ancien bâtit de grosses pierres, sa bibliothèque comme une cathédrale et le majestueux parc en introduction aux nombreux sentiers de la montagne. Je me rythmais tour à tour en méditation, réflexion et exploration sauvage et partout je me sentais investi d'une mission. J'avais la nette impression, la certitude même, que j'écrivais l'histoire. Lorsque j'ouvrai deux à deux les portes de l'école, je pouvais presque entendre d'enflammés chants grégoriens suivre ma démarche conquérante vers le savoir.

Newton, Beethoven, Platon, Leibniz, Freud, Kant, ah! mes amis éternels, je vous avais retrouvé! Je m'élançais ci et là dans les corridors de l'école où je jouais le «faux» étudiant et je ressentais un mépris certain pour tous ces «enclavés» du «système». Je les voyais, conformes dans le cadre des programmes académiques, être si proche mais si loin à la fois de tous ces grands auteurs qui «dormaient» entre les livres scolaires. Moi, j'étais en plein dedans. Une révolution à chaque coup de coeur. J'allais les remettre au goût du jour ces visionnaires et prophètes de l'esprit. Si les mots pour exprimer ce que je voyais m'échappaient, ça ne changeait pas le fait que je percevais de l'absurde partout et ressentait le vif besoin de créer du sens. Oh oui, j'avais des visions moi aussi!

Mais qu'est ce que je faisais au juste? De quels raisonnements je m'enivrais? Qu'est ce que je concluais et de quoi ? Vraiment, je ne le sais pas. Je sais que je m'engageais dans de profonds calculs mentaux, que je murmurais dans mon âme des maximes latines -je les croyais capable de me transformer même sans que j'en connaisse le sens; je sais que j'écrivais d'étranges formules tel que «les sphères de possibilités» ou «les capsules d'encéphale de verre» et que je cachais ces «créations» improbables lors marches en forêt.

Analyser avec mes yeux modernes tout ça ne m'éclaire pas tant sur ce que j'étais là mais sur ce que je suis ici. Laissons donc la représentation de ce «terrain vague» s'avancer à sa guise:

Dans l'incrédule de mon oeil

Des mondes miroitent

La lumière d'autres mondes

Comme des rayons

Comme des émissaires

Voilà que j'entends

La mathématique

Rouler sur les monts féconds

Voilà que l'hiver

S'émousse comme

De mauves malheurs

Et que l'aube revient

Comme une réminiscence.

b. Le cercle et la pendule: J'ai commencer à être intéressé. J'ai d'abord voulu comprendre le sens profond des mathématiques; l'origine. Qu'est-ce donc qu'un nombre? Pourquoi la base 10? Mais à chaque fois que je touchais une «base», le fondement d'une structure, je la voyais éclater comme de fugaces bulles de savon. Sans m'en rendre compte, je réalise maintenant que je prenais une mauvaise habitude. Avant, de me lancer comme «autodidacte», l'effort était déterminer. Il y avait des questions précises auxquelles répondre, et après un travail intérieur sur un objet spécifique, je finissais par résoudre le problème. Mais là, au lieu de me concentrer sur une chose «simple», cohérente à mon niveau de savoir, et de me «former» en m'appliquant dessus -pour ensuite, une fois «alchimisé», m'astreindre au degré supérieur; au lieu de suivre un processus adapté à la réalité, je sautais d'un seul bond vers le royaume du complexe indicible. À chaque fois que je frappais un mur -pour ne pas dire un plafond, à la place d'humblement retourner aux bases pour forger les outils adéquats, je contournais l'obstacle. Je me suis mis à chercher la réponse non plus dans le travail intérieur de la pensée mais dans la pensée de mes nouveaux héros -ou encore via de profondes méditations où j'espérais tirer la «structure» parfaite et englobante de toutes choses. Dans tous les cas, j'esquivais. Je n'avais plus de temps à «perdre». Je sentais ma tâche trop importante pour ne pas extraire l'essentiel, la pure «vérité».

L'oscillation produite par la rencontre de mon être et mon néant venait de naître. Mon immense enthousiasme à tout explorer, à vouloir connaître tout, à vouloir, pardessus-tout, être, être, être! s'exprimait. Et, moi, j'en esquissais le scénario à grandes dents. D'abord, étudier le grec, le latin, le français, l'anglais et l'allemand; ensuite maîtriser les mathématiques dans leurs formes hypercomplexes et dans leurs racines logiques. Et puis, une fois armée de ces outils de connaissance; connaître: la philosophie grec (Platon, Aristote), l'allemande (Kant, Hegel, Nietzsche), la physique et ses grands acteurs, la psychologie -en particulier la psychanalyse (Freud, Jung, Reich); sans oublier les Victor Hugo, Balzac et Doïstoïvski dont je promettais l'achèvement entre deux lectures -plus sérieuses! Bon...si mes prévisions tombaient juste, le tout serait complété avant mes 30 ans. Point significatif que je voyais alors comme la frontière du génie, l'étape fatidique; le moment où les grands hommes peuvent jeter un coup d'oeil en arrière et contempler l'unique dont ils sont l'auteur. Après...c'est de la fioritures, du raffinement -le perfectionnement de l'oeuvre quoi! Ou bien, le grand rien du tout! la confirmation dans le commun. Oh! avec la possibilité bien sûr d'aller haut, très haut...mais jamais là-bas! Où personne n'est aller.

D'une certaine façon, je pourrai dire que mes cogitations d'alors incarnent l'aspect «objectif» de ce «moi-là». Car, bien qu'elle soient des pensées, quelque chose d'interne, elles renvoient à des conceptions, des «êtres déterminés». Autrement dit à des objets. C'est ce que j'appellerai ici le Cercle. C'est en quelque sorte l'équivalent de la forme. C'est mon imagination des choses et l'ordre que je leur donne. C'est l'expression de mes «appétits».

En revanche la cause de cette forme, son fond, je le vois plutôt comme une «pendule»; une sorte d'énergie primaire. Dans un sens, on pourrait dire que d'un côté se trouve le problème et de l'autre la solution. Mon problème de fond, ma pendule, c'est ce qui se manifeste, se représente, qui transpire par l'ensemble de mes mouvements plus ou moins cohérents ou contradictoires. C'est mon oscillation permanente; celle qui se reflète sur les objets de sa volonté. Celle qui met en lumière mon subjectif, mon soleil singulier.

c. Le sel et l'eau: De fils en aiguilles, c'est avec énormément d'entrain que je me suis évertué à développer un cercle donnée puis un autre. L'histoire de cette motivation s'est achevé récemment dans la constatation d'un grand rien auquel -il faut bien l'avouer, je suis parvenu. Je ne dis pas que tout ce que j'ai fais est négatif ou contreproductif -je développerai en temps et lieu les apprentissages bénéfiques que j'ai fais. Non, je restreins mon affirmation à l'étroite zone du savoir en tant que savoir d'un objet (autre que soi). Évidemment, ça prend de long détours pour connaître le chemin le plus court. Encore faut-il savoir ce que l'on veut: je croyais vouloir «être» quelqu'un mais je nageais à contresens car en m'investissant tantôt dans un «cercle» tantôt dans un autre, je dissipais mon énergie hors de mon propre cercle qui, au fond, ne demandait qu'à «Être».

La résolution d'une équation si compliqué et si prenante, de tant de travail en tant de lieux, est si désarmante de simplicité, tellement claire et évidente -chargée en toutes parts de moi-même, que jamais je n'aurai cru qu'il ne me suffisait de ne point la chercher pour la trouver. Je suis la solution. Je suis le Sel de ma vie. Je suis ma douleur, mes douceurs. Je suis unique par moi-même et rien ne peut expliquer mon mystère. Je suis à la fois effet et cause, contenant et contenu, objet et sujet, fond et forme. Je suis un «Être» purement singulier et pourtant équivalent aux autres dans leur «unicité».

Et si je m'altère par le déploiement de mes occurrences, c'est pour que le grand «tout» se régale de ma dissolution et qu'autre chose se puisse. Cette perte essentielle de mon être ne peut pas ne pas être puisque j'entrerai en contradiction avec le principe même de l'«étant». Mon devoir envers à la fois moi-même et autrui est dans tous les cas d'offrir à l'eau de mon destin le pur cristallin de ma vérité. Sans plus. Sans moins.

Ces recherches de moi-même dans l'«être ou ne pas être» m'ont conduit, malgré mon objectif premier, à ne choisir aucune des options précédemment envisagées. La troublante succession de mes «projets» de vie visant l'atteinte -voir la vengeance, du Salomon originel par la maîtrise de quelque chose, par un outil d'expression de son âme, par un moyen de valorisation de sa voie, disparaît et il ne reste désormais que la disjonction entre mes opposés métamorphosée en conjonction. Ma toute personnelle question est devenu «comment être et ne pas être?».

d. Le scarabée: Sur ce terrain désolé, j'ai voulu bâtir. Construire, en réponse au passé, un futur affirmé. Depuis qu'il est né, je le parcours dans tous les sens. Je soulève les débris qui jonchent le sol. Je cherche ci et là des indices; des signes d'une architecture sacrée piégée par le temps. Je vais et j'inscris de gré à gré les parties du «puzzel» en mon âme. Dès que je crois avoir trouvé une forme sensée, je me mets en oeuvre pour lui redonné vie. À grand coeur vaillant, je ramasse tous les matériaux que je trouve, les dégages de la moisissure et de la poussière, et je les travaille. Je creuse la terre meule et j'y porte les fondations de mes projets. J'incarne, par chacun de mes gestes, l'espoir qui luit en moi et que je veux voir briller à l'extérieur.

Mais qui échappe à son destin? Mes ambitions tirées de la honte, de l'insulte, de ma structure violée, meurent immanquablement. Lorsque le sous-sol tremble, que le vent et la pluie s'attaquent à mes «êtres» naissants c'est toujours le grand retour. Le retour de la bouette et de la honte. Je demeure en surface, sale et sans mot, rempli de la rage de ne pouvoir jamais atteindre quelque chose; de ne jamais «concrétiser» le sentiment de plénitude, de vérité, que je «lis» à travers les fragments du monde perdu. Entre ce que je vois «avoir été» et ce que je veux «être», je reste stupide et désoeuvré. Je suis d'autant plus en colère qu'il me suffit de lever les yeux pour constater jalousement qu'à tout point de l'horizon l'ego des autres s'élève.

Je vois partout des gens jouir de terrain stable où le fruit de l'effort se peut. Certains ont d'immenses propriétés et peuvent même régir; d'autres se contentent de petites cabanes mais savourent leurs jardins. Tous sont certes inégaux les uns vis à vis des autres, et il suffit de les comparer pour mettre à jour l'injustice. Malgré ça, lorsque moi je me place par rapport à eux, c'est deux «natures» opposées qui se révèlent. Bien sûr, je ne suis pas le seul à vivre sur une terre mouvante et sous un climat malsain - beaucoup ont reçu et reçoivent la merde en héritage.

Ce qui compte pourtant c'est l'expérience de mon expérience, c'est l'histoire de moi en moi. Ce sont les objectifs qui naissent en moi et m'attirent vers eux. C'est cette réalité que je veux aussi être propriétaire, que je veux admirer le symbole d'une fierté construite de mes mains et vivre dans la chaleur d'un chez soi qui est chez moi. Tranquille et réconfortant.

Je désire un havre à mon image. Un quelque chose hors de moi, un «objet» reflet du «sujet» que je suis. Quelque chose de cohérent à moi comme la coquille pour l'escargot, quelque chose de «solide» où le «fluide» de mon âme peut être pur «non-être» sans se perdre. Ce mouvement de la pendule, cette intime essence, mon énergie fondamentale, ce devenir palpitant qui m'habite; je veux qu'il se frappe aux limites de l'«être» essentiel à tout devenir. Je veux que mon Sel cesse de se dissoudre dans l'eau de mes espoirs et que je sois «simplement» ce que je suis. Alors maintenant, s'il est clair que j'ai besoin d'être et de ne «pas-être» à la fois ou -pour le dire autrement, d'être pour pouvoir ne «pas-être» et conséquemment libérer ma puissance en moi, la question est: comment être ce qui correspond le mieux aux exigences de mon «non-être», de mon esprit?

Voilà donc le «terrain vague» visqueux et assassin de toutes mes entreprises. J'évolue entre les tempêtes et les secousses cherchant à transformer ce chaos en chef-d'oeuvre. Je me heurte pourtant à sa violence et j'y perds tout ce que j'y mets et réalise, en fin de compte, que mon souhait de le changer ne change que moi. Finalement, je crois toujours aller vers ma vérité en me battant contre ce marais lorsqu'en fait, j'en suis partie intégrante et je ne peux absolument pas m'abstraire de tout ça.

Je suis une larve affamée, fruit de la bouse. Mon angoisse, ma conscience; ma rage, la vengeance promise de mon coeur, le diffus de mon parcours, ma spécialisation dans le grand Rien; mes frontières poreuses, mon squelette tordu, mon mental mauvais, mon amour impossible! incarnent les déterminants de mon brun mélange.

C'est pourquoi, je dévorerai à «grand dent» et joyeux la «dégueulasserie» qui m'incombe. Elle passera en moi pour ressortir forgée par le médium de ma forme et chargée de ma misère poétique, pour s'offrir sans prétentions en tribut à Khépri. Et moi. Moi! Je «me serais» scarabée.

Salomon Séguin

15 avril 2012

Les bébés bouses

Le chalet


Un voyage

peut-être une fuite

Dans une fourgonnette grise et terrible

De la tendresse comme des rideaux

Le soleil s'échappant de ma main

La douceur d'un tricot bleu, rouge et brun

Des yeux d'ours en cadeaux

Et le bonjour d'une fourrure blanche

Dans la scène d'un bois merveilleux

riche en paradoxe

Un homme nu devant l'espoir

s'assouplit à l'étendu de sa maison

Comme autant de cadrages

en attente d'achèvement

L'être conspire

au sein des constructions

à venir


La «Run»

Arrivé à l'heure du dormir,

une voiture brune

«flambant neuve».

Un autobus

démantibulé

transmué

en parfum

d'aventure

Du bois

du bruit,

des copeaux

des odeurs de travail

à l'extérieur.

D'insatiables

questionnements,

des rêves

tonitruants

Et de l'étrange

tangible à outrance

à l'intérieur.

Quelque chose devait se passer!

Ma première bière

longtemps désirée

venu à l'improviste

comme ce vol

de pneu improbable

-qu'ils ont vraiment fait!

Une toilette se renversant

dans l'agitation

d'un monstre mécanique

d'une ville à fuir.

Un feu, de plastique et de toile,

antithèse d'un écologisme futur.

Une suite indéfini de camping

d'une école mouvante.

De palpitantes étoiles

enrobées de guitare

de voix éraillés.

Moi, dans un cocon de poésie

martelant des mots autres

dans mon crâne


Les Rocheuses aux ours

immenses et invisibles

Des montées plus hautes

plus hautes encore

Et, cette curieuse volonté que j'avais

de pousser plus fort et plus fort

sur le tableau de bord de l'autobus

pour l'aider à monter

Bariolé

jaune et noir

bariolé

entre deux plateaux

bariolé

dans les sentiers

attentif

Bariolé

entre ronronnement

d'autrui et de moteur


La chute de pierre

Couché dans le haut

les échos de l'«en-bas»

se font entendre

mon corps effrayé cherchait

le sens à la suite de cris

à la terreur.

Le lendemain

en retour sur l'histoire

vint à moi

qui voulait savoir

du sang

un poignard à pleines dents

des soupirs et des sirènes.

Un homme

grand et bourgogne

de son habillement

avait voulu autre chose

Avait-il seulement satisfait ses rêves assassins?

minuscule à connaître

je ne su qu'une chose

mon père, ma mère et moi

sommes allés nous» vivre chez lui

Juste après

Immensément perdu près d'un lac

Quelque part, un sous-sol

une pièce insolite

pour l'accueil de l'offrande

L'homme au couteau, grand,

y avait son temple.

J'ai vu, sous le scintillement

suave des bougies,

des pyramides de roches et de ciment.

On m'a dit que je pouvais aussi

cueillir des cailloux et me bâtir

un monticule de prière dans la pièce

Humblement, j'ai une à une choisi

les pierres à mon image

après avoir «monté»

mon tribut à dieu

dans l'espoir de mon coeur,

je lui ai demandé quelque chose.

Le blé

Dans les champs

gestes confus

désirs directs

Entre des forêts parsemés

par le caprice de la ville

l'innocence des blés

Et deux coeurs d'éternité

Grillons et ouaouarons dictent

l'heure du retour

l'ordre et la punition possible

j'entendais mon souhait

de passer outre

Et son regard

sans appréhension

d'une main convaincante,

conclure

nous étions

seul

ensemble

Les ruelles

Force vive comme un vent chaud

À l'étage les voitures

saccadent l'horizon

«Triler» de Jackson

roule à fond

et moi je préfère la rue

je m'acharne à jouer des tours

comme laisser un portefeuille

vide sur le trottoir

et grâce à du fils de pêche

empêcher d'un coup sec

les tentés passants d'y toucher.

L'extérieur aux nombreuses

rues et traverses

les gens dans tous les sens

les transfigurations de l'être

d'un coin du quartier à l'autre

se sont gravés en moi

comme fond de «bum»

permanent

Ce vécu ressentie

d'un pur jeans délavé

rentrant toujours trop tard

je le retrouve sous une forme

différente mais vrai

dans «Rocky 1»

Une fois bien essoré

l'ensemble des représentations de ce film

dégage l'essence de mon «moi-là»

Vision de Khépir


Je mets ma main dans l'argile fraîche.

L'argile sèche et ma main prend une forme nouvelle.

Cette forme ressemble à ma main mais ce n'est pas ma main

puisque ce qui la constitue est à la fois la forme de ma main

celle de l'argile et d'autres choses comme la gravité et le vent.

Je replonge ensuite cette main déformée, cette nouvelle réalité dans l'argile

et recommence le processus, encore et encore.

C'est ce qui formera le noeud de mon être;

ce subjectif que j'ai construis et qui ma construit.

J'y suis attaché autant qu'il s'est collé à moi.

Nous avançons ensemble comme siamois

confondue dans une identité réciproque

L'un vivant de l'autre.

Par cette unité qui nous fait,

dont nous ne pouvons nous échapper,

nous (com)prenons le monde.

Nous y voyons ci et là

d'attractifs symboles

Les images de notre contradiction,

de cette différence enfouie

dans les profondeurs de notre histoire

désormais commune.

Ces choses perçues sont

les phares cardinaux de notre intention,

de cette force orienté qui s'agrippe

autant qu'elle le peut aux objets

qui s'affichent dans le sens de sa volonté.

Volonté unité et synthèse d'un mélange hétérogène

qui n'existe que par la force des choses.

L'arbitraire se cache ainsi sous le couvert d'une mosaïque que l'on nomme soi.

Par la violence de mon paradoxe,

je médite mon être.

J'avance dans la douleur de voir

mon visage défiguré mais ne peut m'arrêter.

Je suis comme un papillons de jour

pris dans l'artifice de la nuit,

là où le soleil n'existe que par

la réminiscence d'un autre monde.

Je vois dans ce lampadaire nocturne

l'image de mon imaginaire.

Où est-il ce soleil?!

sinon que dans les interstices

de ce que je vis.

Quelque part émane

l'appel d'un coeur

pur en pure expansion

Quelque chose bouscule mon monde.

Papillon confus, je m'agites

Je ne comprends pas pourquoi

les couleurs du jour sont absentes,

pourquoi mon monde se limite

à quelques centimètres de verre,

et pourquoi diable!

suis-je éveillé

dans ce qui me semble

le souvenir d'un rêve.

Alors, je me concentre intensément

pour arrêter la suite de mes actions;

j'entends la vibration de la lumière

qui m'attire et m'emprisonne,

j'oublie ce que j'étais venu chercher

je m'abstient d'attribuer

quoique ce soit à quoique ce soit,

pour entendre la vibration

se transformer en cycle

et le cycle en son

et le son en une unique et flamboyante vérité:

il faut se déconstruire pour rebâtir sa vie.

 

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